Déclaration intersyndicale lors de la réunion de rentrée des cadres, le …

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Madame la Rectrice,

Chers collègues,

Vous avez devant vous des personnels de direction sous le choc, profondément émus et meurtris du drame qui a touché notre collègue de Lisieux, Stéphane Vitel. Vous avez fait respecter une minute de silence, et vous avez eu des mots pour l’ensemble de la profession aujourd’hui et dans votre mail du 16 août, nous vous en remercions.

Nous sommes sous le choc, parce que cet événement, quelles que soient les résultats définitifs de l’enquête, n’aurait jamais dû se produire. Personne n’est censé mourir dans un établissement scolaire. Personne ne doit pas mourir pour une alarme, pour une sonnerie. « Être responsable des biens et des personnes », ne signifie pas que le chef d’établissement, l’adjoint, le gestionnaire ou toute autre personne ait à prendre le risque de se trouver face à face avec de potentiels agresseurs. Il n’est écrit nulle part que le chef d’établissement doit se rendre sur place au risque de sa vie pour lever le doute, et pourtant, nous nous sommes tous reconnus dans la situation vécue par Stéphane Vitel parce que nous avons tous, un jour ou l’autre, fait comme lui. Pourquoi ? Parce que la police et la gendarmerie exigent la plupart du temps une levée de doute avant toute intervention ; parce que nous sommes tous confrontés à de multiples fausses alertes liées à une souris, une araignée, un courant d’air ou encore un dysfonctionnement de l’alarme ; parce que nous avons à cœur de bien faire notre travail. Mais nous ne sommes pas des vigils, nous n’avons pas de compétences pour lever le doute.

Parce que nous sommes des personnels de l’Éducation Nationale et que vous êtes, Madame la Rectrice, notre employeur, c’est à vous qu’il revient de convaincre les collectivités territoriales que la sécurité des locaux dont elles sont propriétaires est de leur responsabilité et non de la nôtre. Par conséquent ce sont elles qui doivent mettre en place les solutions adaptées pour assurer la sécurité des biens sans exposer les personnels.

Dans sa circulaire de rentrée, le ministère de l’Éducation nationale a mis comme priorité absolue : « faire de l’école un espace protecteur pour les élèves et pour les personnels ». Nous revendiquons le droit à être concernés au même titre que tous les autres personnels.

Les quatre organisations syndicales réunies ce matin devant vous appelleront leurs adhérents à ne plus se déplacer dans les établissements pour lever les doutes liés aux déclenchements d’alarmes intempestifs. Nous exigeons par ailleurs que la sécurité des personnels de direction et leur rôle dans la sécurité de l’établissement soit intégrée explicitement à la charte de pilotage que nous souhaitons voir validée au cours de cette année scolaire.

Il s’agira, Madame la Rectrice, de notre première question et nous espérons que vous pourrez y répondre à l’issue de notre intervention : Malgré votre annonce de l’échéance de juillet dernier, la charte de pilotage n’est pas signée au niveau académique, à quelle date sera-t-elle effective ?

Ce drame survenu au cœur de l’été n’a fait que raviver, s’il en était besoin, le sentiment qu’ont les personnels de direction d’être corvéables à merci. La presse, le grand public, ont découvert à cette occasion quelle était l’étendue de nos missions et s’en sont étonnés. Nous ne le savons que trop. Face à un empilement de tâches sans fin, à réaliser dans des délais contraints parfois intenables, avec des outils obsolètes ou inadaptés et trop souvent sans le soutien indispensable d’une équipe administrative complète, les personnels de direction s’épuisent.

Malgré nos alertes répétées en Blanchet ou en CAPA, rien ne change. L’académie a perdu 5 postes de direction à la rentrée, exposant encore davantage 5 équipes de direction.  Le nombre de stagiaires non validés à l’issue de la première année augmente de manière inquiétante, le nombre de collègues en difficultés dans leurs établissements s’intensifie et pourtant, il ne semble pas que cette situation fasse l’objet d’un questionnement sur les raisons qui pourraient justifier cette soudaine montée d’impuissance collective. Il est sans doute plus commode d’imaginer qu’il s’agit de phénomènes individuels.

De notre point de vue, de nombreuses décisions RH, nationales ou académiques, ne sont pas compréhensibles. Le choix des affectations académiques des stagiaires, le choix des berceaux des stagiaires parfois, le mouvement des personnels de direction, leur promotion à la hors classe répondent sans nul doute à des stratégies managériales qui nous échappent mais elles semblent avoir des objectifs autres que le bien-être des personnels de direction et parfois l’intérêt même du service.

Il en résulte une amertume, un ras-le-bol dont la concrétisation prend des formes diverses : burn-out, demandes de reconversion, désengagement engendrant à son tour une baisse des vocations.

Il est temps que la qualité de vie au travail qui est au cœur des démarches managériales qu’il nous est demandé de mettre en œuvre concerne également les personnels de direction.

Cela fera d’ailleurs l’objet de notre deuxième question : Nous avons à plusieurs reprises demandé l’an passé un bilan exhaustif du nombre de collègues concernés par des maladies de longue durée, les situations d’épuisement professionnel et les situations RH qui engendrent un stress durable pour nos collègues. Nous ne l’avons jamais obtenu.  A l’occasion de cette rentrée scolaire, êtes-vous en mesure de nous apporter des éléments factuels sur ces situations ?

Nous sommes à quelques jours de la rentrée scolaire et nous savons déjà qu’elle ne sera pas, une fois encore, sereine. La mise en œuvre du Pacte cristallise tous les mécontentements et sa mise en application dans des délais intenables aura pour effet de mettre les chefs d’établissement en première ligne. Les disparités entre les établissements et au sein des équipes vont encore s’intensifier entre les volontaires d’une part et ceux qui refusent de donner crédit à une réforme considérée par beaucoup comme un leurre. Le dogme de la communication positive auto-réalisatrice l’a emporté sur le bon sens et la pédagogie. Il ne s’agit pas tant de répondre à un besoin réel qu’à faire oublier la pénurie d’enseignants et la désorganisation générée par le système lui-même.

L’affectation croissante d’enseignants contractuels recrutés sans formation digne de ce nom continuera d’affecter lourdement la qualité pédagogique des enseignements dispensés. Là encore, les équipes de direction seront exposées aux critiques parfois légitimes des élèves et des familles.

Concernant les personnels administratifs et les personnels de santé, le constat reste le même. De nombreux postes ne sont pas pourvus et la charge de travail retombe inéluctablement sur les épaules des personnels de direction. Certaines situations émergent tandis que d’autres s’éternisent d’année en année.

Notre troisième question sera donc : Peut-on avoir un point de situation précis sur le nombre de personnels manquants ? Quelles sont les pistes envisagées pour les remplacer ?Par-delà nos divergences syndicales, nous sommes réunis ce matin pour porter un message unitaire. Celui de notre volonté affirmée de soutenir et venir en aide à nos collègues en les protégeant et en les préservant de tous risques professionnels.

Les personnels de direction sont des personnels clés dans le système éducatif. Sans notre action au quotidien sur le terrain et notre force de conviction, nulle réforme ne peut être mise en œuvre. Au-delà des mots apaisants qui peuvent de temps à autres nous être adressés, nous attendons aujourd’hui des actes forts qui attestent réellement de la prise en compte de la complexité de nos tâches et de la charge de travail induite. Nous demandons à être véritablement associés aux décisions et ne pas être relégués au rôle de grands organisateurs des décisions ministérielles, académiques ou départementales ; nous demandons à être consultés et entendus quand nous alertons sur les risques de telle ou telle décision.  Nous demandons à être considérés comme des cadres responsables à égalité avec les inspecteurs avec qui nous formons le corps d’encadrement. Cela implique l’instauration d’un véritable dialogue en temps réel avec les services du rectorat et des DSDEN. Nous ne pouvons pas attendre des jours, des semaines, des mois parfois avant d’obtenir des réponses à nos sollicitations. L’accusé de réception doit devenir la norme afin de réduire notre charge mentale. C’est d’autant plus vrai lorsque nos sollicitations concernent la sécurité, l’aide juridique, les ressources humaines ou notre propre carrière.

Nous avons besoin de savoir que tous les personnels des services déconcentrés sont au service des EPLE et non l’inverse. Nous avons besoin de conditions qui nous permettent d’exercer sereinement notre métier. Nous avons besoin de sens. Nous avons besoin de temps. Les conditions de préparation de cette rentrée sont loin de remplir ces exigences.

Madame la Rectrice, nous tous ici réunis, avons choisi ce métier avec pour objectifs d’être des responsables, des pilotes auprès des enseignants, personnels, élèves et parents dans un projet d’éducation et de vie. C’était cela, la promesse du métier de personnel de direction, premier pédagogue de l’établissement, pilote de l’EPLE, qui a une vision plus large et ouvre le champ des possibles pour les élèves.

Le métier a changé. Il nous est aujourd’hui demandé d’être des managers, qui organisent le travail des collaborateurs et mènent à bien les activités de la structure. Nous sommes passés de pilote à opérateurs.

Alors, Mme la rectrice, nous comptons sur vous pour nous redonner la place qui est la nôtre, celle de pilote pédagogique. Donnez-nous des perspectives. Dégagez-nous des tâches administratives répétitives et souvent redondantes ou chronophages et donnez-nous le temps et les moyens de travailler.

Notre quatrième et dernière question sera celle-ci, Madame la rectrice : Comment comptez-vous à l’échelle académique rétablir la confiance des personnels de direction dans notre institution indispensable à la motivation et la reconnaissance professionnelles ?

Nous vous remercions pour votre écoute et attendons vos réponses.

iDFO,  SGEN-CFDT,  SNPDEN-UNSA,  SNUPDEN-FSU

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