Intervention de Joël Delhopital, secrétaire académique SNPDEN -UNSA à l…

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Madame la Rectrice,

 

Le SNPDEN-UNSA vous remercie de lui permettre de relater les difficultés que rencontrent les personnels de direction de votre académie, qui ne sont, pour beaucoup, ni récentes, ni spécifiques à la Normandie.

 

Une lecture attentive du rapport du recteur Blanchet remis au ministre de l’Éducation le 1er avril 1999 révèle, s’il en était besoin, que les problématiques que nous évoquons, réunion après réunion, étaient déjà présentes à l’époque :

 

– Contraintes qui s’accumulent,

– Moyens d’action insuffisants,

– Conditions des personnels de direction insatisfaisantes.

 

Le Recteur René Blanchet, dans l’introduction de son rapport, décrivait déjà les raisons du mal-être des personnels de direction :

 

« Les chefs d’établissement sont attachés à leur métier, dont ils connaissent l’importance pour le système éducatif, mesurent les enjeux sociaux et apprécient la richesse, même lorsqu’elle est source de complexité. Mais précisément parce qu’ils ont, à juste titre, une haute idée de ce métier, ils déplorent de n’être pas en bonne situation pour l’exercer.  Divers facteurs concourent à ce sentiment, souvent proche de la frustration. D’abord l’alourdissement des tâches, qui résulte pour une part de l’évolution sociale et pour une autre part – moins justifiable – de la multiplicité des demandes en provenance de la hiérarchie administrative. Ensuite, une disproportion entre les responsabilités de toute nature et les moyens d’action accordés pour y faire face. Enfin une impression de solitude par rapport aux autorités supérieures, et d’incertitude quant aux attentes précises de l’institution et aux perspectives de carrière. »

 

Près de 25 ans plus tard, force est de constater que non seulement l’alourdissement des tâches n’a fait que s’accroitre, que la responsabilité des personnels de direction est de plus en plus exposée et que les perspectives de carrière n’ont jamais été aussi faibles.

 

La deuxième phase de mouvement qui vient de s’achever en est l’exemple même. Le nombre de mutations obtenues a rarement été aussi faible. Combien de personnels de direction vont entamer bientôt leur dixième, onzième ou douzième année en tant qu’adjoint, bien qu’ils aspirent légitimement à devenir chefs d’établissement depuis longtemps ?

Alors que la revalorisation du métier d’enseignant est au cœur des préoccupations du ministère avec l’augmentation de l’ISOE de 1294,00 € /an, du taux de passage à la hors-classe de 18% à 23%, et la suppression du contingentement des 10% du corps à la classe exceptionnelle, les personnels de direction peinent à atteindre 12 % de promotion hors-classe et doivent s’estimer heureux et reconnaissants d’avoir une prime exceptionnelle de 1000,00 € bruts pour 2023. Ce n’est pas un cadeau que l’on nous fait, c’est à la fois une aumône et une offense au regard de la contrepartie attendue.

 

A côté de cela, les conditions de travail continuent de se dégrader. Des postes sont supprimés sans aucune justification autre que budgétaire. Des lycées polyvalents multisites, des collèges de plus de 500 élèves voient leur dotation de personnels de direction diminuer sur le simple argument que le ministère doit récupérer des moyens, au mépris total de l’avis des équipes en place, de l’expertise des corps intermédiaires et de la qualité de vie au travail portée en étendard mais foulée au pied.

 

La mise en place des commissions Blanchet avait pour but d’offrir un cadre informel d’échanges « à cœur ouvert » et sans tabou sur les problématiques métier et sur les situations personnelles  des chefs d’établissement et de leurs adjoints. Il s’agissait, à travers cette commission, de réfléchir ensemble à la manière la plus efficiente de piloter la politique pédagogique et éducative voulue par la Nation.

 

Aujourd’hui, il nous semble que les commissions Blanchet ont été vidées de leur substance. Il ne s’agit plus de réfléchir ensemble en amont à la manière de mener à bien les politiques nationales mais bien de voir, en aval des décisions prises au ministère, les effets qu’elles produisent. Il s’agit pour l’Institution de prendre le pouls du malade et pour le malade d’attendre l’ordonnance du médecin, ordonnance dans laquelle on trouve de plus en plus de pilules amères qui ne sont que des placebos.

 

Il est de notre rôle, Madame la Rectrice, de vous le dire : les personnels de direction se sentent éloignés du centre de décision académique. Peut-être faut-il voir là une conséquence de l’unification des deux Normandies ? Une chose est sûre, on ne compte plus les variantes départementales de la politique académique. Si l’on peut voir dans cette autonomie départementale des avantages en termes de pilotage de proximité, l’échelon académique y perd en cohérence et en lisibilité. Or c’est, pour les personnels de direction, au niveau académique que les décisions prennent leur sens.

 

Nous ne vous ferons pas l’affront, Madame la Rectrice, de reprendre ici les propos de la lettre de direction du SNPDEN qui vous a été envoyée hier et dont je ne doute pas qu’elle a fait l’objet d’une lecture attentive. Nous reprenons bien évidemment à notre compte tout ce qui est écrit dans cette lettre.

 

Nous refusons d’être les boucs émissaires d’une réforme mal ficelée, dogmatique, conduite dans l’urgence et hors sol. Nous refusons de nous associer à un dispositif, le pacte enseignant, qui porte en lui toutes les contradictions de notre institution :

 

D’un côté :

–        Suppression de plus d’un million d’heures de cours pour faire passer un baccalauréat en mars,

–        Multiplication des convocations d’enseignants des lycées professionnels en CFA pour faire passer             les examens,

De l’autre :

–        Mise en place d’un pacte pour assurer les remplacements des absences de courte durée générées par l’institution.

 

D’un côté :

–        Volonté de renforcer l’accompagnement des élèves de 6ème et la remédiation des difficultés,

De l’autre :

–        Conditionner ce renforcement au volontariat des enseignants.

 

D’un côté :

–        Développer les compétences numériques des élèves, les équiper de tablettes et d’ordinateurs,

De l’autre :

–        Supprimer la technologie en sixième.

D’un côté :

– Prôner la reconquête du mois de juin et demander un recul des conseils de classe

 

De l’autre :

– Contraindre les DSDEN à organiser des commissions d’appel avant la fin du mois de juin

 

Nous pourrions continuer à l’infini tant les contradictions sont nombreuses.

 

La réforme de la voie professionnelle aurait pu être une belle opportunité, mais sa mise en œuvre, dans un calendrier contraint et à marche forcée, au mépris du respect de la légalité et du temps de concertation indispensable, a réussi à tuer dans l’œuf toute adhésion de la part des enseignants. Les équipes de direction sont confrontées à un refus massif de discuter les éléments de la réforme, car une fois de plus ils n’ont pas été écoutés et reconnus dans leur travail.

Le pacte enseignant insécable en lycée professionnel est une aberration ; le bureau des entreprises n’est pas clairement défini quant aux moyens qui lui sont dédiés ; la gratification des stages pose des questions qui renvoient à des décisions locales sources d’inégalités; la fermeture de filières non insérantes et le pilotage de la carte des formations par le préfet et non plus l’Éducation Nationale ne peuvent que nous inquiéter, car cela va à l’encontre de l’équité territoriale nationale et ne prend pas en compte la réalité sociologique locale. L’Éducation Nationale, dans sa voie professionnelle, doit-elle être au service exclusif des besoins des entreprises du territoire ?

Le ministère l’a dit clairement en GNPD le 23 mai dernier : il s’agit d’une réforme managériale. Si nous la ratons, c’en est fini du lycée professionnel. On voudrait la mort du lycée professionnel que l’on ne s’y prendrait pas autrement.

 

Le SNPDEN-UNSA attend donc de votre part, Madame la Rectrice, des signes forts de soutien, et de bienveillance, qu’il s’agisse de l’application des réformes évoquées ou de l’accompagnement des collègues en souffrance dans leurs établissements.

 

Le SNPDEN-UNSA continuera d’exiger des réponses précises aux questions qu’il pose et de porter à votre connaissance en groupe Blanchet les situations individuelles, chaque fois qu’elles n’auront pas obtenu les réponses attendues dans le cadre de procédures individuelles d’accompagnement ou de recours, parce qu’il est de notre devoir, vis-à-vis de nos mandants, de nous faire les porte-parole de leurs demandes.

 

Alors que nous arrivons au terme de cette année scolaire, nous constatons que plusieurs groupes de travail ont permis d’avancer et d’améliorer petit à petit les processus en place. C’est le cas du GT examens ou du GT orientation. En revanche, le GT informatique, après des débuts prometteurs, est au point mort, de même que le GT Charte de pilotage, deux GT qui impactent directement et quasi exclusivement la vie des personnels de direction. Faut-il y voir un signe du peu de cas fait de notre qualité de vie au travail?

 

 

Enfin, nous ne pouvons pas ne pas évoquer la situation de notre collègue du collège de Canisy, dans la Manche.  Vous nous avez montré à plusieurs reprises que vous saviez être aux côtés des personnels de direction lors d’évènements traumatiques, malheureusement de plus en plus récurrents. C’était encore le cas hier au collège de Canisy, dans la Manche. Nous dénonçons fermement l’inaction de la gendarmerie appelée par anticipation par la collègue. Nous remercions en revanche Monsieur le DASEN ainsi que l’EMS pour leur accompagnement mais comment peut-on imaginer que la suppression ici ou là de moyens humains d’encadrement permettra d’éviter leur réitération ?  Ce que nous attendons est un soutien systémique, une prise en compte des difficultés quotidiennes de l’exercice de la profession.

 

Le SNPDEN-UNSA vous remercie, Madame la Rectrice, pour votre écoute et vos réponses.

 

Le secrétaire académique

  1. Delhopital

 

 

 

 

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