Harcèlement scolaire : la nécessité d’un “meilleur accompagnement” des chefs d’établissement
Le député Erwan Balanant a remis le 13 octobre son rapport sur le harcèlement scolaire, rédigé dans le cadre d’une mission confiée par l’ancien Premier ministre, Édouard Philippe, en novembre 2019. Si il y fait le constat des efforts déployés par le ministère de l’Éducation nationale depuis plusieurs années pour lutter contre le harcèlement scolaire, il relève cependant que le système éducatif demeure “en proie à de nombreux maux propices au développement” de ce type de situation. Son rapport propose ainsi 120 mesures pour lutter contre ce phénomène, dont certaines en direction des chefs d’établissement, pour lesquels il déplore le manque d’accompagnement pour faire face aux « lourdes responsabilités » qui leur incombent .
Parmi les préconisations, relevons notamment
- la mise à la disposition des chefs d’établissement des moyens supplémentaires pour commander les enquêtes relatives au climat scolaire et aux risques psychosociaux au sein de leur établissement,
- la diffusion d’une large campagne de communication pour véhiculer l’idée selon laquelle le bon établissement scolaire n’est pas l’établissement où le harcèlement n’existe pas, mais celui où il est détecté et pris en charge rapidement et efficacement, et de manière coordonnée par l’ensemble de l’équipe,
- l’établissement d’un bilan régulier des situations de harcèlement dans chaque établissement scolaire,
- l’instauration d’une réunion annuelle entre chef d’établissement et Dasen pour effectuer un suivi du projet pédagogique de l’établissement et décliner les orientations dédiées au climat scolaire et au harcèlement,
- le renforcement, en cas de poursuites judiciaires enclenchées, de la coopération entre les instances judiciaires et le personnel éducatif,
- l’encadrement plus strict des modalités matérielles de la tenue des conseils de discipline, notamment eu égard à leur calendrier, leurs horaires, leur durée et à l’âge des enfants entendus,
- l’augmentation du délai pendant lequel un avertissement est versé au dossier administratif de l’élève sanctionné, afin qu’il ne soit plus effacé à l’issue de l’année scolaire en cours, mais de la suivante, sur le modèle retenu pour l’effacement du blâme et de la mesure de responsabilisation,
- l’information de tous les personnels sur la responsabilité qu’ils font encourir à l’État en raison de leurs inaction ou actions inappropriées face à du harcèlement,
- l’augmentation du nombre de référents harcèlement, avec des moyens dédiés à leurs missions,
- la formation de tous les acteurs du milieu scolaire sur la prise en charge des situations et sur la communication auprès des familles,
- une formation dédiée au harcèlement au bénéfice de l’ensemble des adultes présents dans les établissements,
- le renforcement de la présence du personnel médical dans les établissements scolaires et leur inclusion systématique dans les protocoles de lutte contre le harcèlement scolaire…
Plusieurs recommandations visent également à mieux impliquer les parents en cas de harcèlement.
Le rapport évoque aussi le cadre juridique appliqué au harcèlement scolaire : la mission estimant que les “outils juridiques sont intéressants mais inadéquatement exploités”.
(Sources : dépêche AEF Info 637587 du 14 octobre et rapport du député Balanant)
Pour en savoir plus
- Rapport de mission gouvernementale Erwan Balanant « Comprendre et combattre le harcèlement scolaire »
- Les 120 propositions du rapport
Extrait du rapport
« Les lourdes responsabilités pesant sur les chefs d’établissement : un accompagnement à développer
Lors de plusieurs auditions, il nous a été signalé que les responsabilités des chefs d’établissement sont particulièrement lourdes. Recensées aux articles R.421-9 et suivants du Code de l’éducation, ces dernières comprennent notamment le fait d’être garant de l’ordre public dans l’établissement, ainsi que la représentation de l’établissement dans les actions judiciaires.
La Direction Générale de l’Enseignement Scolaire nous a ainsi indiqué que, dans l’exercice de leurs fonctions, les chefs d’établissement ne bénéficient que de très peu d’accompagnement et peuvent se sentir, bien souvent, livrés à eux-mêmes.
D’une part, les règles qui leurs sont applicables sont notamment édictées par le décret du 11 décembre 2001 portant statut particulier du corps des personnels de direction d’établissement d’enseignement ou de formation relevant du ministre de l’Education nationale. Le statut des chefs d’établissement date ainsi de près de vingt ans et mériterait d’être actualisé pour prendre en compte l’étendue des responsabilités qui leur sont conférées. Nous saluons les travaux en cours en ce sens, notamment en ce qui concerne la revalorisation salariale.
D’autre part, les chefs d’établissement ne disposent que de peu de leviers pour mesurer le climat scolaire ou la prégnance des risques psychosociaux au sein de leur établissement, ce qui semble indispensable pour assumer efficacement leurs responsabilités, en adoptant des mesures idoines à une amélioration de la qualité de vie des élèves.
A cet égard, les représentants de la mission ministérielle de prévention et de lutte contre les violences en milieu scolaire nous ont précisé que le décret 2015-475 du 27 avril 2015 instituant une indemnité pour mission particulière allouée aux personnels enseignants et d’éducation exerçant dans un établissement public d’enseignement du second degré, est susceptible d’être utilisé pour le financement d’une enquête de climat scolaire. En effet, sur le fondement de ce texte, les chefs d’établissements peuvent présenter des missions particulières au conseil d’administration, après avis du conseil pédagogique, dans le cadre de l’enveloppe attribuée par le recteur d’académie. Les représentants de cette mission nous ont cependant alertés sur le fait que le choix de faire réaliser une enquête de climat scolaire au titre des indemnités pour mission particulière reste rare, compte-tenu du fait de la diversité d’autres projets que ces indemnités sont susceptibles de couvrir. […]. Nous estimons qu’il est trop aléatoire de réserver la possibilité pour un chef d’établissement d’enseignement secondaire de faire réaliser une enquête de climat scolaire au seul choix de consacrer les indemnités pour mission particulière à ce postulat, parfois au détriment d’autres projets éducatifs également importants pour le développement des enfants et des adolescents. Il nous semble, en outre, que les directeurs d’école primaire devraient également pouvoir commander de telles enquêtes.
Compte-tenu de l’étendue de leurs responsabilités ainsi que de l’accompagnement et des moyens modérés dont ils bénéficient, les chefs d’établissements sont susceptibles d’éprouver une pression dans l’exercice de leur activité, notamment par crainte d’une action contentieuse ou d’un dommage réputationnel de l’établissement. Cette situation débouche parfois, sur une minimisation des situations de violences scolaires, en particulier de harcèlement, ou sur des défaillances liées à la communication autour de ces situations au sein de l’ensemble de l’équipe éducative. Ce dernier point avait déjà été relevé à l’occasion des Assises nationales sur le harcèlement à l’École conduites par Eric Debarbieux.
Il nous apparaît également primordial de développer l’accompagnement des chefs d’établissement et, en particulier, de renforcer leur coopération avec le directeur académique des services de l’Education nationale (DASEN) et les avec référents académiques. Nous suggérerons des premières pistes d’amélioration en ce sens (…) et espérons que ces nécessités seront prises en compte dans les réflexions en cours sur la réforme du statut des chefs d’établissement. […] »