Edito du Secrétaire général – Direction n° 268

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Dans un contexte professionnel complexe (et à ce moment le COVID-19 ne s’était pas encore présenté à nos frontières ou à la porte de nos établissements !), notre Conseil Syndical National de début janvier a fait le sévère bilan du panel des difficultés et insatisfactions ressenties depuis maintenant des mois par notre profession, résumé par l’un des nôtres comme résultant d’une forme de « maltraitance institutionnelle ».

Cet état de faits, présenté sans fards, mais sans exagération non plus, avec force et illustrations par nos secrétaires académiques, a justifié, mais rend aussi plus que jamais d’actualité, une motion action intitulée « SENS et SÉRÉNITÉ » (cf. Direction 267, p. 63) qui a fait l’unanimité chez vos représentants.

Ce constat partagé rassemble pêle-mêle malaise, mal-être, burn-out, lassitude, fatigue, exaspération, voire colère, pour constituer un bulletin de santé frisant à l’overdose pour notre corps de métier, et rendant du coup sensible et crédible un possible douloureux collapsus collectif affectant, certes à des degrés d’intensité variable mais tout de même, les personnels de direction dans leur ensemble.

Ainsi, et bien que nous ayons pu ajouter aisément à la liste d’autres manques, ce sont essentiellement ces deux notions de SENS et de SÉRÉNITÉ qui apparaissent comme faisant majoritairement, et de façon consensuelle, défaut chez nos collègues et qui, du coup, ressortent comme les manques les plus patents à l’exercice apaisé et réfléchi de nos missions.

Quand les syndiqués du SNPDEN-UNSA, mais sans doute aussi bien d’autres, syndiqués ailleurs ou pas syndiqués du tout, réclament de la sérénité, à quoi font-ils donc référence qui les en priverait ?

Ce qu’ils nous expriment c’est qu’ils veulent sortir du pilotage prescriptif, rompre avec la mécanique action-réaction, en finir avec l’anxiété de l’attente pour retrouver stabilité, visibilité et temps, afin de se sentir plus à leur aise dans leur activité de direction d’établissement. Ils demandent ainsi à éviter qu’une idée chasse l’autre, qu’un dispositif annule l’autre, qu’une mesure en remplace une autre, sans que l’on ait vraiment eu la capacité à évaluer l’efficacité de l’un ou de l’autre avant même d’en annoncer la fin pour passer, dans le même mouvement parfois, à l’opposé sans plus de justifications ni d’explications !

Ils réclament aussi une feuille de route au minimum pérenne et donc des possibilités de tracer pour leurs EPLE (et aussi pour eux-mêmes et leurs équipes proches) des trajectoires stables qui permettent d’envisager au moins de manière un tant soit peu assurée le surlendemain sans avoir à se poser dès aujourd’hui la question de savoir de quoi demain sera fait. On voit bien, dans ce paradigme, combien pressions incitatives et injonctions ponctuelles de toutes sortes qui constituent trop souvent notre quotidien sont à l’orthogonale de ces besoins en durabilité.

Nos collègues exigent enfin du temps (et pas dans la minute ou dans l’heure) car ils en ont besoin pour mener réflexion, puis construction, puis mise en oeuvre de réformes, de projets, de dispositifs. Qui a fréquenté un tant soit peu le domaine du BTP sait qu’on y élabore d’abord plans et devis, puis qu’on y prépare le chantier, avant d’en mener la conduite adaptée dont la bonne réussite dépend pour une grande partie de la qualité des travaux préparatoires. Si la métaphore peut paraître simpliste, il n’en demeure pas moins que la méthode a fait ses preuves et que l’on se demande bien pourquoi elle n’est pas plus souvent utilisée à des fins d’efficacité réelle par nos grands architectes éducatifs ! Je ne suis pas bien certain par exemple que ces principes aient été scrupuleusement respectés pour édifier à la hâte le bâtiment plus ou moins branlant des E3C qui menace parfois ruine ici ou là !

On voit ainsi que dans un environnement dont la stabilité n’est pas vraiment la qualité première, ces éléments de contexte amènent un nombre conséquent de nos collègues au mal-être, tant ils ont le sentiment de ne plus se retrouver dans le cadre actuel d’exercice du métier qu’ils ont choisi en conscience.

C’est ce qu’ils nomment et déplorent comme constituant une véritable perte de sens professionnel.

Si les personnels de direction ont pris la décision d’une nouvelle carrière pour prendre la tête d’un établissement, c’est essentiellement pour assurer le pilotage fin de structures complexes et pouvoir y mener une conduite du changement. Au travers d’une dynamique de progrès au bénéfice des élèves et des personnels, cela passe nécessairement par un consensus sur des objectifs partagés et par des constructions collectives élaborées en concertation qui entraînent un maximum d’adhésions : ce n’est qu’à ces conditions qu’une mise en action d’équipes est possible.

Ce cercle vertueux que chacun souhaiterait pouvoir enclencher ne peut se concevoir en temps de crises permanentes faites, sous des formes diverses de plus ou moins grandes intensités sismiques, de tensions, d’oppositions ou d’obstructions. Il ne peut s’envisager si les personnels de direction sont en permanence focalisés sur le faire plutôt que sur « pourquoi le faire ? ». Ils nous disent être prêts à conduire et mener l’action d’un ensemble mais s’interrogent sur leur capacité à retrouver un début d’inclinaison générale pour le partage de buts communs. Le sentiment donc est prégnant dans nos rangs que le système éducatif est à ce jour « éparpillé façon puzzle » et qu’il ne servira pas à grand-chose de juste vouloir rassembler les morceaux si l’on n’a pas d’abord une vision d’ensemble de ce qui sera donné à voir au final : du sens donc en premier lieu !

Ce diptyque conceptuel que nous réclamons pour notre profession doit, en toute bonne logique, s’imposer à nous également en matière d’action syndicale.

Le sens de notre démarche est de savoir vers quels objectifs nous tendons, d’être bien en accord sur ces visées et donc de définir, dans une construction démocratique régulière, le cap de la navigation SNPDEN-UNSA. La sérénité c’est de prendre le temps de penser et d’élaborer des mandats, de les faire valoir et de se donner le temps et les moyens de les faire aboutir. Ainsi, sur tous les sujets en cours, mais d’abord sur les questions de carrière, et comme acteur crédible reconnu, nous privilégierons le dialogue social comme moyen prioritaire de faire aboutir nos revendications. Mais volontaristes pour obtenir « ce que nous voulons » (voir notre Cahier des charges), c’est la conférence nationale des 11 et 12 mars prochains qui, en fonction des premiers résultats obtenus, devait décider au besoin d’une nouvelle étape de mobilisation renforcée de l’ensemble de nos syndiqués.

C’est parce qu’il souhaite redonner du souffle, de l’envie et de l’espoir à toute une profession que le SNPDEN-UNSA agit avec sens et sérénité, mais aussi conviction et combativité, au service des personnels de direction dans leur ensemble. C’est la ligne qu’a tracée notre CSN, et c’est bien cette dynamique de progrès que nous entendons mettre en œuvre collectivement, sereins certes, mais déterminés à obtenir réponses et actes à la hauteur des enjeux !

Lien vers la revue 268

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