Un précédent article de Marc Perrier (Direction n°176) se terminait sur l’importance pour le nouveau PERDIR (Personnel de Direction) de se construire une nouvelle professionnalité.

D’emblée, reconnaissons qu’il n’est jamais facile pour quelqu’un qui a derrière lui une première carrière (en moyenne assez longue) de se remettre en question. Et on peut penser que la tâche est d’autant plus ardue pour un professionnel, qui, après avoir beaucoup parlé , expliqué et noté , doit –principalement- apprendre à écouter , travailler sur soi et accepter d’être sous les regards, voire les feux, de différents partenaires .

Bref, l’apprenti PERDIR doit ré -apprendre à …apprendre.
Comment faire ? A cette question du tout nouveau et heureux lauréat, répondra toujours en écho celle, dans l’Ethique, d’Aristote à Nicomaque: » Comment apprendre à jouer de la cithare sinon en jouant de la cithare  » ? Car la réalité est là : apprendre, ce sera toujours faire quelque chose qu’on ne sait pas faire pour apprendre à le faire. Ce qui est vrai pour apprendre à marcher ou à cuisiner l’est aussi pour apprendre à devenir PERDIR. Il faudra toujours commencer à faire sans savoir faire . Or, on n’apprend pas à commencer. Pour commencer, il faut simplement du courage.
Motivé et courageux, le nouveau PERDIR se lance donc dans l’apprentissage de son nouveau métier. Très vite, il apprendra à intégrer, de gré ou de force, une évidence : il lui faudra sans cesse (se) justifier et rendre compte. En effet dans la culture française, être enseignant c’est avoir fait ses preuves en amont. Après, sauf exception, on continue toujours. En revanche, celui qui dirige un établissement se situe le plus souvent en aval. Et là, le problème n’est plus seulement de commencer mais de durer. Plus radicalement, l’enseignant tire sa légitimité de son concours ( le sacro saint savoir disciplinaire!) et considère que rien ne peut la remettre en question alors que le PERDIR doit sans cesse la prouver, lui qui a été nommé par l’Administration et sélectionné sur des critères bien peu scientifiques ! Philippe MEIRIEU ne dit pas autre chose quand il déclare avec malice et regret :  » L’enseignant se juge à la qualité de la graine et le chef d’établissement à la qualité de ses fruits « .

Parmi ceux-là, il en est un qui doit faire l’objet de toutes ses attentions : donner du sens à l’action collective. En recherchant le consensus autour d’une vision partagée, en se plaçant du point de vue des élèves et des apprentissages, en utilisant avec doigté les leviers d’action que sont les conseils d’enseignement, les conseils de classe et le conseil pédagogique, il assoira progressivement son autorité pédagogique en veillant à ne pas – trop- empiéter sur le terrain disciplinaire, domaine partagé par les professeurs et l’Inspecteur Pédagogique Régional.

Dans cette construction de légitimité, le nouveau PERDIR devra apprendre à développer deux attitudes que tous les partenaires exigent de lui : écouter et agir. Derrière cette attente, on peut d’abord deviner le besoin de reconnaissance et de considération auquel il répondra par son humanité et son attention aux personnes. Plus fondamentalement, existe surtout la nécessité professionnelle, aussi implicite qu’indispensable, d’un pilote qui fixe le cap, d’un chef d’orchestre qui met en musique, d’un arbitre qui veille au respect des règles, d’un patron (j’ai osé !) qui décide et assume ses décisions. Et c’est dans cette capacité à éclairer les enjeux, gérer les tensions, assumer les paradoxes, fédérer les personnes et les idées, que le ou les chefs seront – in fine- pesés et jugés. Noble tâche que celle qui consiste à travailler sur de l’humain pour de l’humain ! Noble mais redoutable car, en cas d’erreurs répétées, le capitaine peut rapidement faire « échouer »le bateau sur des récifs bien éloignés du cap fixé.

Pour éviter cette mésaventure, l’apprenti PERDIR doit apprendre à s’appuyer sur des balises et des repères appelés VALEURS. Il ne s’agit pas là de morale mais d’éthique au sens d’un travail de soi sur soi donc avec possibilité de prise de conscience et de progrès (ça se travaille!). Je mettrai seulement trois valeurs en exergue :
La valeur de la sollicitude : Elle est « mouvement vers ».¨Plutôt de l’ordre de la tension éthique que de l’affect, elle est une forme d’attention à l’autre sans fusion compassionnelle .Elle conduit à s’occuper du travail et des problèmes des autres tout en se préservant.
La valeur de l’exemplarité : Elle s’attache à instaurer une relation harmonieuse entre les paroles et les actes : c’est le secret de la crédibilité.
La valeur de l’équité : Elle permet de décider avec le plus d’impartialité possible ou plus simplement avec le moins d’a prioris.
Je laisse à la réflexion du lecteur d’autres valeurs tout aussi importantes : la laïcité et l’égalité (d’ordre institutionnel), la loyauté et la transparence (d’ordre relationnel), le respect des lois et le droit à la différence (d’ordre sociétal).

On voit donc que cette construction d’une nouvelle professionnalité implique que le nouveau PERDIR se mette en situation d’apprentissage : identifier les objectifs à atteindre, repérer les obstacles externes et internes dont le franchissement permettra d’effectuer un progrès décisif, prévoir l’ensemble des ressources susceptibles d’être des aides, mettre en place des procédures de réflexion sur sa propre activité ( la métacognition),et enfin veiller au réinvestissement des compétences dans différentes situations .
Cette acquisition progressive des compétences professionnelles spécifiques au métier de PERDIR exige donc à la fois une ouverture et un repli sur soi, une capacité à agir mais aussi une volonté de « se poser » et de prendre de la distance. Le rôle joué par les pairs (le chef d’établissement d’accueil, le tuteur, les formateurs et plus généralement tous les collègues PERDIR) est à cet égard fondamental. Notre apprenti aurait bien tort de se priver de leurs regards expérimentés et bienveillants.

Marc PERRIER
(Ancien membre du bureau national en charge de la syndicalisation et de l’accueil des entrants dans la fonction)

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