Intervention du SNPDEN Normandie lors de la réunion de rentrée de la rect…

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Intervention de Franck Marie Secrétaire académique adjoint du SNPDEN Normandie, lundi 29 août 2021, Amphi Pierre Daure, Université de Caen.

Madame la Rectrice, Monsieur le secrétaire général, Mesdames et Messieurs les secrétaires généraux adjoints, Mesdames et Messieurs les Directeurs académiques, Mesdames et Messieurs les personnels de direction, Mesdames et messieurs les chefs de division et de service, Mesdames et Messieurs,

Avant toute chose, je tiens à vous remercier, Madame la Rectrice de nous permettre comme chaque année de prendre la parole à cette institution qu’est la réunion de rentrée. C’est important pour nous en tant que syndicat majoritaire des personnels de direction de pouvoir faire entendre à cette occasion la voix des chefs d’établissement et adjoints, le niveau de leur moral, les craintes qu’ils peuvent avoir ou les aspirations qui les animent.

Une fois n’est pas coutume, nous avons cette année plusieurs raisons de nous réjouir et d’afficher un sourire radieux. A commencer par le fait que depuis 2019, c’est la première fois que nous pouvons à nouveau voir les visages et les sourires de chacun et les mines reposées après un été ensoleillé et chaud. Nous démarrons donc cette année vigilants mais confiants quant à la situation sanitaire avec l’espoir de ne pas voir réapparaître les différents niveaux de protocoles.

Nous pouvons également nous satisfaire des annonces ministérielles et présidentielles sur la revalorisation des personnels de l’Éducation Nationale, et la confiance, toute relative néanmoins, quant à la capacité de notre institution à recruter les quelques 4000 enseignants manquant à l’appel suite aux concours du printemps dernier.

Certains verront aussi des raisons de se réjouir de la CDIsation possible des assistants d’éducation.

Enfin, et plus localement, nous pouvons être heureux que certaines de nos revendications aient été prises en compte telles que la mise en place du compte épargne temps, les prémices d’une charte de pilotage, la proposition d’un calendrier prévisionnel des instances consultatives des personnels de direction et l’accompagnement des services dans l’organisation de la rentrée. Qu’ils en soient d’ailleurs remerciés.

Toutefois, les personnels de direction n’ont pas ce sourire béat que l’on pourrait s’attendre à voir en cette rentrée.

Plusieurs raisons à cela :

Nous sommes, Madame la Rectrice, collectivement et professionnellement épuisés. Les congés d’été, bien que revigorants, ont été courts, très courts même, pour un bon nombre d’entre nous, au premier rang desquels tous ceux, chefs ou adjoints, qui ont consacré un temps important cet été à construire des emplois du temps de plus en plus complexes et avec des informations de plus en plus tardivement stabilisées. La multitude de statuts différents (stagiaires 9h, stagiaires 18h, BMP, TZR, contractuels, professeurs alternants, …), le couplage tardif des établissements concernant les postes partagés, les différents scenarii qu’il est nécessaire de construire pour faire face à toute éventualité aboutissent à des constructions d’emplois du temps qui commencent souvent avant ou dès la sortie des élèves et ne se terminent qu’à un ou deux jours de la rentrée quand ce n’est pas au-delà. Ajoutez à cela des attentes toujours plus pressantes des familles et des enseignants qui n’hésitent pas à vous contacter dès le 15 août pour avoir des informations : Les conséquences sur la santé des personnels de direction concernés sont multiples : absence de repos, charge mentale, tensions familiales, stress, voire burnout.

Nous ne doutons pas de la volonté commune d’accompagner au mieux les personnels de direction dans leur tâche et nous sentons qu’il y a une volonté de proximité des services qui ont pris notre attache depuis le 22 août pour tenter de répondre à nos besoins, notamment avec la mise en place de la cellule de rentrée qui est fort appréciable même si elle peine à répondre à l’ensemble de nos attentes. La transmission par monsieur le secrétaire général d’un calendrier prévisionnel concernant les différentes phases de nomination répondait à un besoin de cadrage des équipes de direction mais il n’a malheureusement pas pu être totalement respecté et ne permet pas aux équipes de direction d’optimiser les emplois du temps ni aux enseignants nommés tardivement de préparer leur rentrée dans de bonnes conditions.

Certains dans cette salle n’ont guère profité du soleil estival plus d’une semaine. Est-ce bien normal et respectueux de l’équilibre temps personnel / temps professionnel qui constitue un axe essentiel de la lutte en faveur du bien-être au travail mais dont semblent exclus les personnels de direction ?

Parlant d’exclusion, que penser des annonces présidentielles et ministérielles sur la revalorisation des enseignants et des personnels administratifs ?

Tout le monde s’accorde sur la nécessité de revaloriser le métier d’enseignant et pas uniquement pour les entrants dans la fonction mais bien tout au long de la carrière. Nous défendons également la nécessité impérieuse de revaloriser nos personnels administratifs, au premier rang desquels les secrétaires de direction et d’intendance qui font pour beaucoup un travail remarquable moins bien rémunéré que les personnels d’entretien dont la tâche est tout aussi importante et mérite d’être valorisée mais dont la responsabilité est sans doute moindre.

Mais quel silence concernant les personnels de direction ! Est-il, une fois encore, normal, logique qu’un personnel de direction puisse pendant plusieurs années gagner un salaire moindre que celui qu’il percevait en tant qu’enseignant avant de quitter ses fonctions ?

(pour info : données Education.gouv.fr : Grille de rémunération d’un personnel de direction classe normale : 1800 € à 3087 € nets ; professeur certifié : 1451 € à 2503 € nets ; Personnel de direction hors classe HEB et professeur agrégé classe exceptionnelle HEB3 : 3968€ nets ; professeur certifié HEA3 3615 € nets)

Est-il logique qu’un enseignant certifié avec 2 ou 3 heures supplémentaires gagne autant qu’un chef d’établissement de collège catégorie 2 ou 3, et ce quel que soit l’âge de l’un ou l’autre ?

Des solutions pourraient facilement être trouvées, à commencer par une augmentation substantielle du taux de passage à la hors classe pour rejoindre les taux d’accès de nos collègues et amis inspecteurs par exemple.

De même, la prise en compte dans notre rémunération de toutes les missions qui viennent s’ajouter à notre mission première sans que nous n’ayons rien demandé serait également un moyen aisé de revaloriser la profession. Je pense bien évidemment aux têtes de PIAL, à l’animation des BEF, aux équipes d’évaluateurs des établissements et j’en passe…

Justement, parlons également d’évaluation car c’est un sujet important quant à la pression ressentie par les équipes de direction. L’auto-évaluation des établissements, l’évaluation externe, le projet d’établissement, les labels lycée des métiers, Euroscol, E3D, lutte contre le harcèlement sont autant de charges de travail qui se cumulent et qui obligent les personnels de direction à un travail de compilation, d’échanges et de rédaction chronophages dont nous ignorons souvent la plus-value puisqu’ils ne permettent la plupart du temps qu’une introspection rarement collective et partagée et sans contrepartie aucune, qu’il s’agisse de moyens supplémentaires ou de consolidation des équipes … Les premiers retours des établissements évalués sont assez unanimes à ce sujet : L’exercice est intéressant, intellectuellement enrichissant mais il ne faut pas en attendre de grands bouleversements.

A l’évaluation animée par les équipes de direction, il faut ajouter l’évaluation dont ils font l’objet. Là encore, l’annualisation de l’évaluation conduit chaque personnel à un nouveau travail d’analyse, de bilan, de projection et de rédaction qui, s’il est certes nécessaire, ne se fait pas sans un travail lourd qui vient s’ajouter à une charge de travail exponentielle d’année en année.

Si nous analysons avec un peu de recul ce qui, aujourd’hui, rend le métier difficile au point qu’un nombre croissant de collègues cherchent à le quitter pour se tourner vers d’autres fonctions, on pourrait rédiger notre fiche de poste ainsi :

– Courroie de transmission du ministère, le personnel de direction est un personnel chargé de construire, dans l’urgence et sans l’ensemble des moyens nécessaires à sa disposition, une réponse technique à des exigences nationales ou académiques visant une amélioration du système éducatif. Au quotidien, sa mission consiste à mettre en œuvre toutes les politiques éducatives décidées au niveau national sans possibilité de hiérarchiser leur pertinence au regard de la réalité de son établissement. Les labels obtenus permettront de certifier qu’il répond favorablement à toutes les sollicitations.

Il a une autorité fonctionnelle sur les personnels de l’établissement mais n’est pas en capacité d’imposer quoi que ce soit pour améliorer leur performance, si ce n’est par sa force de persuasion. Il est responsable de tout ce qui ne fonctionne pas dans son établissement et doit de manière régulière rendre compte de son action. Il communique sur tout ce qui fonctionne dans son établissement auprès de la presse et sur les réseaux sociaux et surveille toute publication qui pourrait nuire à l’image de l’établissement et de l’Éducation Nationale. Il est garant de la paix sociale dans son établissement.

Sa journée commence vers 7h30 et se termine en général au moins 1 à 2 heures après la fin des cours, soit entre 18h00 et 20h00 (hors réunions : conseils de classe, conseil d’administration, conseil pédagogique, conseil de discipline, réunion parents-professeurs…).

Le week-end, il travaille en général sur les dossiers qu’il n’a pas pu traiter en semaine. Il dispose en moyenne d’une semaine de congés à chaque période et peut espérer prendre deux à trois semaines de congés l’été, tout en restant joignable et disponible en cas de sollicitations par la collectivité de rattachement notamment.

Il dispose d’un logement de fonction plus ou moins adapté à sa situation familiale qu’il doit obligatoirement occuper même si l’établissement ne dispose pas d’internat et qu’il habite à 10 minutes de l’établissement. Il est imposable sur l’avantage en nature et paye la taxe d’habitation ainsi que la taxe de collecte des déchets ménagers. Il peut formuler une demande de dérogation qu’il n’obtiendra que si d’autres personnels de catégorie A sont logés.

A la lecture de cette fiche de poste, on se demande pourquoi le métier n’attire pas davantage.

Notre charge de travail est devenue une surcharge de travail, un puits sans fonds et notre autonomie consiste à survoler plus ou moins vite la multitude de tâches qui nous incombe : l’évaluation des établissement, PIX, les certifications et les labels en tout genre, FAR, le printemps de l’orientation. Certes tous ces dispositifs prennent sens indépendamment les uns des autres si on peut y consacrer le temps nécessaire : mais quel sens prennent-il quand notre quotidien est de jongler avec les urgences et les contraintes et que nous ne faisons que survoler les dossiers ?
Quel temps avons-nous aujourd’hui pour répondre au besoin de usagers et à leur réussite ? Notre coeur de métier devrait être d’adapter les réponses aux réalités locales pour faire mieux réussir nos élèves et non pas de s’appliquer à calquer des dispositifs nationaux dont nous n’avons même plus de choix de participer ou non. Peu de personnels de direction échappent au sentiment de frustration qui en découle.
Le ressenti d’absence de considération et le sentiment de frustration qui découle de l’exercice monitoré de notre métier expliquent sans doute le nombre de poste restés vacants dans notre académie après le mouvement des personnels de direction.

Dans son allocution de la Sorbonne, le président de la République a évoqué, je cite,

« Trop d’élèves malheureux, trop de parents d’élèves anxieux, de professeurs désabusés ou qui ont le sentiment d’avoir perdu le sens de la mission, parfois de ne pas être reconnus comme ils le devraient. »

Ces qualificatifs, nous les reprenons tous à notre compte. Il est temps que notre Ministère entende le désarroi réel des personnels de direction et qu’il nous donne des signes tangibles d’une amélioration rapide de nos conditions d’exercice et entende la soif d’autonomie et de pilotage qu’ils expriment.

Le président de la République a également tracé les grandes lignes de la politique éducative des 5 prochaines années, appelant à une révolution culturelle, incitant à laisser davantage d’autonomie aux établissements. Alors, même si nous avons pu être choqués du commentaire sur les directeurs qui n’étaient pas au courant qu’il y avait un projet d’établissement, reconnaissons au moins que nous partageons sa vision d’une école moins pilotée d’en haut, plus déconcentrée et plus à l’écoute de son environnement.

Mais cela ne pourra pas se faire sans une réflexion collective visant à recentrer les missions des uns et des autres sur l’essentiel, avoir des équipes administratives complètes et formées, disposer de leviers sur les personnels en termes d’affectation, de formation et de valorisation. Cela nécessitera de dégager du temps aux personnels de direction pour véritablement piloter leur établissement et donc de consacrer moins de temps à la lecture de mails, circulaires et notes de service et moins de temps sur des applications informatiques inopérantes.

La révolution culturelle que le Président de la République appelle de ses vœux passera aussi par ces aspects pratiques du quotidien.

Enfin, je ne peux pas clore ce propos sans souligner les fortes inquiétudes que sont les nôtres concernant d’une part l’inflation qui grève lourdement les budgets des établissements et risquent de mettre un certain nombre d’entre eux en difficulté et d’autre part la situation sociale et financière des usagers. Le Président l’a rappelé : pour certains élèves, le repas pris dans l’établissement est le seul repas de la journée. L’augmentation des tarifs de demi-pension, nécessaires au regard de l’inflation des prix des denrées alimentaires et de l’énergie, doit obligatoirement s’accompagner d’une revalorisation des fonds sociaux pour mieux accompagner les plus déshérités. Or les subventions de fonds sociaux attribuées en juillet ont été revues à la baisse et risquent de s’avérer rapidement insuffisantes.

Ce sont tous ces sujets que le SNPDEN-UNSA continuera de porter dans les instances et nous invitons tous les personnels de direction qui partagent cette vision à nous accorder leur confiance lors des prochaines élections professionnelles de décembre.

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